Pourquoi apprendre ne serait pas un jeu ? Jouer permet d’accéder à des plaisirs qui ne s’opposent aucunement à la concentration et à l’effort requis pour apprendre. Au contraire ! Une activité aussi sérieuse que la formation est abordée avec davantage de motivation dès lors qu’une dimension ludique lui est associée. Certaines entreprises l’ont compris depuis longtemps, en se lançant dans l’aventure des serious games dès les années 1980. Mais ce type de formations est-il vraiment adapté à toutes les entreprises ? L’offre de serious games actuelle répond-elle à leurs enjeux ? Develop’Invest, votre partenaire pour construire un programme de formation, fait le point.
D’où viennent les serious games ?
Les « logiciels ludoéducatifs » sont apparus sur le marché de l’éducation à partir des années 1980-1990. Tirant profit de cette innovation, quelques entreprises se sont rapidement emparées des technologies des jeux vidéo pour inciter leurs salariés à s’auto-former. Par exemple, le jeu Pepsi Invaders a été conçu par Coca-Cola au début des années 1980 pour mobiliser ses employés contre leur concurrent Pepsi-Cola[1].
L’essor des serious games a été surtout porté par des secteurs précurseurs, comme la défense, l’aéronautique et la santé.
- Dans le domaine militaire, des serious games ont été créés pour renforcer les compétences tactiques des officiers, à qui l’on demande de prendre des décisions à partir des éléments figurant sur une carte[2], ou encore pour apprendre à manier des tanks.
- Dans le milieu de la santé, des jeux vidéo ont été développés pour former les médecins urgentistes à la prise en charge des patients ; d’autres pour sensibiliser les enfants aux effets du diabète.
- Dans l’aéronautique, les simulateurs de vol ont fait leurs preuves pour apprendre à piloter des avions et des hélicoptères…
Et aujourd’hui ?
De la simple sensibilisation à la RGPD[3] à la formation en 3D sur les procédés de fabrication additive[4], en passant par la gestion des ventes[5]… Aujourd’hui, ces jeux sont de plus en plus nombreux et portent sur des sujets très divers.
Dans le secteur bancaire[6], des serious games sont utilisées aussi bien pour aiguiser les compétences en relations clients que pour simuler des prises de positions boursières. La relation clients a été également au cœur d’un projet mené par Renault et ayant permis de former 15 000 commerciaux situés dans 40 pays[7].
Par ailleurs, certaines entreprises ont créé des serious games pour donner une nouvelle dimension à leurs parcours de recrutement[8] et à leurs processus d’onboarding des nouveaux arrivants[9].
Quels sont les bénéfices des serious games en entreprise ?
Les bénéfices de ces formations sont liés à la motivation suscitée par les formats ludiques et à leur efficacité. En permettant aux apprenants de manipuler des objets virtuels et d’être actifs pendant leurs formations, les serious games favorisent la création de « schèmas d’actions », que Jean Piaget a définis comme des « structures d’actions répétables dans des circonstances semblables ou analogues ». Autrement dit, les serious games sont parfaits pour apprendre comment agir dans des situations professionnelles, notamment lorsque celles-ci nécessitent d’acquérir des automatismes.
Différentes études récentes ont également démontré les effets positifs des jeux en termes d’acquisition de connaissances et de mémorisation[10], de motivation et de sentiment personnel d’efficacité[11]. Sans oublier le fait que les serious games permettent de s’exercer en toute sécurité à des situations qui présentent des dangers en conditions réelles.
Comment concevoir un serious game ?
Pour être réellement efficaces, les serious games doivent respecter une démarche d’ingénierie pédagogique rigoureuse, sans quoi ils risquent de passer à côté de leurs objectifs d’apprentissage. La scénarisation joue à cet égard un rôle essentiel.
De plus, le fait d’insérer les jeux dans des dispositifs hybrides, comportant une partie en présentiel, change complètement le rapport qu’entretiennent les salariés avec les jeux mis à leur disposition. Les échanges avec les pairs et les feedbacks recueillis à la suite des simulations permettent d’ancrer les apprentissages e façon plus efficace lorsque les formations sont réalisées entièrement en ligne.
Enfin, l’ergonomie des jeux et leur jouabilité sont des facteurs déterminants de la réussite des projets de serious games, ce qui rappelle l’intérêt d’adopter une démarche de conception centrée sur l’utilisateur (UX design).
Combien ça coûte ?
Sur-mesure ou prêt-à-porter ?
Selon les estimations des professionnels du secteur, un serious game réalisé sur mesure coûte en moyenne entre 50 000€ et 200 000 €[12]. Ce budget s’explique par la variété des compétences nécessaires à sa réalisation : le développement informatique, les graphismes, les sons, le game design, la pédagogie, la direction de projet… autant de compétences à mobiliser pour réussir à créer un jeu qui atteigne sa cible.
A défaut de disposer d’un tel budget, les entreprises peuvent s’orienter vers des offres disponibles « sur étagère » auprès de quelques (rares) sociétés d’édition, dont certaines sont commercialisées dès 30€ par utilisateur[13]. Un tel écart de budget s’explique par le fait que, sur le marché actuel du serious game, le format qui prédomine est relativement standardisé. En effet, celui-ci repose essentiellement sur des animations graphiques prédéfinies, dans lesquelles sont insérés des personnages inspirés de divers corps de métiers (médecin, recruteur, client…). Les situations ainsi reconstituées s’enchaînent sous la forme de scénarii, au cours desquels l’utilisateur fait son choix parmi quelques options proposées, qui déterminent la suite du jeu. Ces serious games standardisés sont créés grâce à des logiciels qui en facilitent la conception.
Et si vous les faisiez vous-mêmes ?
En effet, pour ouvrir le marché à de nouveaux profils de clients, certains éditeurs de serious games[14] proposent désormais des logiciels permettant de créer ses propres formations, à partir de bibliothèques d’animations graphiques et d’outils. A vous de créer des scénarii individualisés, à l’image des « livres dont vous êtes le héros » !
Les entreprises peuvent alors créer elles-mêmes leurs serious games en concentrant leurs efforts sur l’ingénierie pédagogique, sans trop avoir à se préoccuper des aspects technologiques et graphiques, pour un budget annuel proche de 3 000€.
Vers une démocratisation du serious game
L’univers du serious games a vu s’épanouir des formats très diversifiés : du jeu de plateau à la manière de Mario Bros, au jeu de stratégie façon SimCity, en passant par les simulateurs de pilotage, les possibilités d’apprendre et de s’entraîner par le jeu paraissent potentiellement illimitées.
La réalité virtuelle, qui renforce la sensation d’immersion et permet de simuler la manipulation d’objets, offre des perspectives de développement encore plus larges aux serious game en entreprise.
Si la conception de serious games sur mesure reste l’offre la plus visible sur ce marché, son coût important ne permet de l’envisager que pour des entreprises de taille importante souhaitant toucher un grand nombre de salariés. Sans se lancer dans de tels projets, les entreprises plus petites peuvent tout à fait expérimenter des serious games sur étagère, permettant de sensibiliser leurs salariés sur des sujets courants comme la gestion du temps, la sécurité digitale ou la prévention des risques professionnels, ou se doter d’un logiciel leur permettant de développer leurs propres contenus. Et si c’est encore trop compliqué, rien ne les empêche de recourir aux services d’organismes de formation proposant des formations présentielles incluant des séquences de jeux immersives. Pour en savoir plus, rapprochez-vous des équipes Develop’Invest, spécialiste de l’externalisation de la gestion de la formation.
A vous de jouer !
ANNEXE – Pour se faire une idée
Pour vous permettre d’avoir une vue globale sur les serious games, Develop’Invest, votre partenaire pour construire un plan de formation, vous a présenté une brève sélection de jeux conçus pour les professionnels. Elle est limitée du fait que nous souhaitions vous donner à voir des serious games gratuits, sans inscription préalable. Ils ne peuvent donc pas être représentatifs du marché des serious games d’entreprises.
Quelques serious games gratuits sur ordinateur
Premiers secours : “Sauve une vie”
Comment réagir face à un accident cardiaque ou à une sortie de route ? Le CHU de Liège a décidé de donner des éléments de réponse à travers deux simulations dans lesquelles l’utilisateur peut incarner plusieurs personnages de son choix (un passant, un ambulancier, un urgentiste). Le déroulement des événements est livré sous la forme de vidéos très réalistes. Des décisions doivent être prises très rapidement, ce qui donne à ce jeu un caractère haletant.
Entretien d’embauche
La simulation d’entretien d’embauche proposée par l’APEC est un serious game simple mais réussi. Après avoir choisi un profil parmi les 4 proposés (le recruteur, un jeune diplômé, un cadre en recherche d’emploi ou un candidat en activité), l’utilisateur sélectionne ses thématiques d’entraînement parmi la dizaine de thématiques proposées puis s’entraîne en répondant aux questions typiques d’un entretien de recrutement, avant de prendre connaissances des analyses et conseils découlant de l’option sélectionnée.
Intelligence économique
La CCI Normandie propose un jeu en ligne portant sur l’intelligence économique. Défendre les innovations face aux intrusions et intentions malveillantes de la concurrence, tel est le principe de ce jeu très simple, qui pose efficacement quelques bases en matière de propriété intellectuelle.
Des exemples de serious games sur Smartphone
Nos smartphones nous donnent accès à une multitude de jeux éducatifs. Google play et l’Apple store fourmillent d’applications gratuites. Nombre d’entre elles ont pour but d’apprendre les langues, comme Duolinguo[15], qui fonctionne avec des algorithmes qui permettent d’individualiser les questions afin de faciliter la mémorisation. D’autres, à l’image de SoloLearn[16], permettent de s’initier au code informatique en réalisant des « challenges » ou en se mesurant en temps réel à d’autres apprenants.
Article écrit par Hugues HASSENFRATZ, consultant Develop’Invest
Autres Sources
[1] Julian ALVAREZ, « Les serious games », Interview réalisée par Mathilde AUGER & Karine MARCHAL, in Revue de l’APEMu 2018, p. 83
[2] https://lesseriousgames.wordpress.com/le-serious-game-dans-le-militaire/
[3] http://www.oeilpouroeil.fr/realisations/serious-game/axa-dataprivacy-gdpr
[4] https://www.my-serious-game.com/livre-blanc/digital-learning-addup/
[5] https://seriousgame.manzalab.com/realisations#formation-service-client
[6] https://billetdebanque.panorabanques.com/banque/les-serious-games-sinvitent-dans-les-banques/
[7] http://myseriousgame.com/renault-forme-15000-commerciaux-serious-games/
[8] https://www.loreal.fr/media/press-releases/2006/mar/l%E2%80%99or%C3%A9al-lance-un-concept-in%C3%A9dit—lt-i-gt-reveal-by-l%E2%80%99or%C3%A9al-lt-i-gt—le-premier-business-game-multi-m%C3%A9tiers-r%C3%A9v%C3%A9lateur-de-talents
[9] https://www.my-serious-game.com/blog/On-boarding-Total/
[10] Wouters, P., van Nimwegen, C., van Oostendorp, H., & van der Spek, E. D. (2013). A meta-analysis of the cognitive and motivational effects of serious games. Journal of Educational Psychology, 105(2), 249–265. https://doi.org/10.1037/a0031311
[11] Douglas B. Clark, Emilie E. Tanner-Smith, Stephen Killingsworth (2013). Digital games for Leraning : asystematc review and meta-analysis. SIRI Interational, Menlo Park, CA.
[12] Jean Claude-Pascal François, Micaela Bracciaferri, « Le serious game… pour les non gamers », Dossier de veille sur les Serious games à l’attention des pédagogues et des décideurs en formation d’adultes.
[13]Par exemple : www.seriousgamestore.com ; https://www.game-learn.com/fr/ ; https://itystore.com/#gammes
[14] Voir par exemple https://seriousfactory.com/ ou https://www.itycom.com/